Comment savoir ce qui fait qu’une relation fonctionne, qu’elle est constructive, féconde, fructueuse, sur le long terme ?
Love Lab
Le « Love Lab » de John M Gottman a livré ses secrets, après avoir accueilli pendant 16 ans des couples volontaires. Les couples sont immergés dans ce laboratoire un peu spécial, où ils sont invités le temps d’un weekend. Des chercheurs les observent à travers une vitre sans teint et les couples sont monitorés sur quelques paramètres physiologiques (battements du coeur, tension artérielle…).
Les conclusions de cette étude sont tout à fait transposables dans d’autres types de relations, telles que les relations d’amitié, de parentalité, ou encore les relations professionnelles.
Lorsque l’on parle de soft skills, les compétences acquises dans un contexte sont transférables dans les autres (vie personnelle, intime, professionnelle). Seuls diffèrent les enjeux et les durées dans lesquelles les relations s’inscrivent.
Dans les relations de couple, les enjeux sont plus particulièrement élevés, avec aujourd’hui un taux de divorce ou séparation de 67%.
Les études issues du Love Lab ont permis de prédire l’avènement d’un divorce avec un taux de précision de 91%, au bout de 5 minutes d’observation.
Effrayant ?
Ou au contraire génial, car ces sept principes permettent de devenir actif sur ce qui fait qu’un couple fonctionne ?
L’intelligence émotionnelle du couple est un facteur clef, qui change la donne. Il signe sa capacité à contrebalancer les sentiments négatifs par des sentiments positifs.
Face au taux de séparations constaté aujourd’hui, comment dépasser ce qui n’est pas une fatalité ? Comment éviter les effets délétères liés au stress physique et psychologique, engendré par une séparation ou un couple dysfonctionnel ? Et gagner en longévité : 4 années de vie en plus pour les personnes qui vivent dans un couple satisfaisant !
A la naissance du premier enfant, 67% des couples subissent une chute vertigineuse de leur taux de satisfaction conjugale.
Quand les thérapies de couple focalisent sur ce qui ne fonctionne pas et tentent de l’améliorer, cette étude révèle ce qui fonctionne.
Les indices de prédiction des divorces
- Un démarrage brutal : un ton d’emblée négatif, accusateur, sarcastique ou méprisant.
- Les 4 cavaliers de l’apocalypse
- La critique, le blâme (la critique est un grief généralisé au lieu de rester spécifique)
- Le mépris, le sarcasme, la moquerie, la condescendance, le cynisme, signes de dégoût (signaux verbaux et non verbaux comme les yeux qui montent au ciel ou les ricanements)
- L’attitude défensive
- La dérobade, le mutisme, (qui affecte 85% des hommes dans les couples)
- La noyade, qui, sous l’assaut répété des 4 cavaliers de l’apocalypse, entraine le désinvestissement affectif de la relation.
- Le langage corporel : les manifestations du stress (affolement du coeur, sueurs froides, sécrétion d’adrénaline, augmentation de la tension artérielle…). L’évolution de l’espèce a conduit les hommes, à une résorption lente du stress (d’où une occurence accrue d’évitement des situations via la dérobade) et les femmes à revenir plus vite au calme. De plus, sous l’emprise du stress, l’attention chute et on n’a plus aucune créativité ou prise de recul pour résoudre le conflit.
- L’échec des tentatives de rapprochement : les tentatives de rapprochement sont tout ce qui va permettre de prendre du recul, tel qu’une pause, la phrase qui désamorce le conflit, un signe de complicité, l’humour…
- Les mauvais souvenirs : le passé est relu avec des lunettes noires et même les moments heureux passés deviennent sombres ou sont balayés.
C’est bien souvent quand il est en phase rouge permanente qu’un couple demande de l’aide. Ce qui peut être un peu trop tard…
Les signes du début de la fin de la vie du couple :
- on considère que les problèmes conjugaux sont graves
- on a l’impression qu’il est inutile d’en discuter à l’extérieur du couple
- on mène des existences parallèles
- la solitude s’installe
Les liaisons extra-conjugales sont ordinairement une manifestation de la fin du couple et non la cause.
Les 7 principes des couples qui fonctionnent
Loi n°1 : Enrichir sa carte du tendre
Chaque membre du couple connaît l’univers intérieur de l’autre, ses joies, ses goûts et ses soucis. Les informations sont remises à jour quotidiennement, et avec des moments d’échanges privilégiés réguliers. Cette carte du tendre permet notamment de s’adapter à la naissance d’un enfant, qui constitue un bouleversement majeur du système, une véritable métamorphose. Cette carte du tendre est utilisée pour bâtir et enrichir la relation, en permanence.
Loi n°2 : Cultiver la tendresse et l’estime réciproque
Chaque membre du couple est convaincu que l’autre mérite d’être honoré et respecté. C’est l’antidote au mépris, la capacité à se remémorer les qualités de l’autre, à lui porter des pensées positives. Elle protège le couple des 4 cavaliers. Quand elle faiblit ou a disparu, elle peut être rééduquée par des exercices comportementaux.
Loi n°3 : Se tourner vers l’autre, au lieu de se détourner l’un de l’autre
Etablir la connexion, par le regard, par l’accueil fait à l’offre de l’autre, les petits gestes au quotidien, les discussions à bâtons rompus, le romantisme, l’entraide, la présence soutenante (écouter vraiment, sans donner de conseils), la prise en compte des besoins affectifs de l’autre.
Loi n°4 : Se laisser influencer par sa·son partenaire
C’est accepter de prendre en compte le point de vue différent de l’autre, et de se laisser influencer par celui-ci, c’est respecter l’autre et l’intégrer dans le processus de décision. C’est accepter un partage du pouvoir équilibré, accepter de céder pour gagner, prendre en compte authentiquement les valeurs de l’autre, trouver un équilibre vie privée – vie professionnelle pour chaque membre du couple. Cela bénéficie à chaque membre du couple et également aux enfants dont les deux parents sont émotionnellement intelligents.
On constate là des dissymétries : il est souvent plus facile pour une femme de se laisser infuencer par son mari que l’inverse. Par ailleurs, lorsqu’une femme utilise un des quatre cavaliers, le couple est peu déstabilisé. Alors que lorsqu’un homme utilise un des cavaliers, l’impact est fort et déstabilise le couple.
Quand un homme accepte de se laisser influencer, cela renforce les lois 1, 2 et 3.
Enfin, les femmes sont souvent plus émotionnellement intelligentes que les hommes, car la société les encourage dès l’enfance à développer l’interaction sociale et les sentiments, elles ont donc souvent une longueur d’avance.
Loi n°5 : Résoudre les problèmes solubles
Les conflits conjugaux peuvent être répartis en deux catégories : les conflits permanents et les conflits solubles. La distinction est faite notamment par l’intensité des émotions qu’ils génèrent. Les conflits solubles portent sur des situations spécifiques, qui peuvent trouver une solution de compromis.
Les conflits permanents portent sur des points plus profonds, comme des conflits de valeur, de confiance, de sécurité. Pour résoudre durablement un conflit, il faut savoir pardonner, tirer un trait sur les vieux ressentiments, considérer les défauts de l’autre avec indulgence.
Pour résoudre un problème soluble :
- démarrer la discussion en douceur. C’est majoritairement la femme qui aborde les sujets délicats. Si elle sait que son influence est acceptée, alors elle aura tendance à démarrer en douceur. Si ce mode de démarrage n’est pas possible, alors autant reporter la discussion à un moment plus propice. Parler des faits, de ce qui ne va pas, en utilisant le « je » et sans jugement envers l’autre, en étant factuel·le, clair·e, courtois·e.
- faire des tentatives de rapprochement et les accepter de l’autre. Reconnaitre ce qui est vrai, sa part, ses torts. Faire passer le message. Parler de son ressenti. Dire ce qui fonctionne. Métacommuniquer. Replacer la discussion au niveau du couple, pas des individus.
- s’apaiser mutuellement. Pratiquer la gestion individuelle puis relationnelle du stress. Faire du couple un havre de paix, ne pas laisser le stress extérieur saboter la relation (les sources communes de stress sont celles issues du travail, de la belle famille, de la gestion de l’argent, de la sexualité, des tâches domestiques, de la parentalité…)
- apprendre à faire des compromis. Trouver un terrain d’entente, négocier une solution gagnant-gagnante.
- être tolérant·e des défauts de l’autre
Loi n°6 : Surmonter les blocages
Les blocages, eux, surviennent sur des points plus profonds, qui peuvent renvoyer aux blessures d’enfance. L’objectif est double : arriver à faire avec et maintenir le dialogue.L’un des buts -souvent inconscient- du couple est de s’aider mutuellement à réaliser ses rêves, de réaliser ce qui a du sens individuellement. Seulement parfois les rêves sont cachés, et demandent un travail de prise de conscience et d’explicitation individuel puis au niveau du couple. Alors une zone de compromis partiel peut être trouvée, et le noyau dur non négociable explicité.
Loi n°7 : Aller dans le même sens
Le couple est durable et épanouissant, lorsqu’il est fondé sur un sens partagé, la création à deux d’une vie intérieure, d’une culture commune. La culture commune se nourrit de rituels familiaux, de l’harmonie sur les rôles de chacun, du partage des objectifs profonds individuels, de symboles partagés.
Le couple est comme un jardin, il demande du soin quotidien, pour croitre et embellir.
De façon tout à fait concrète, voici les cinq heures magiques qui y participent :
- les séparations : se séparer le matin en ayant connaissance d’au moins un événement de la journée de l’autre (2min/j *5 jours : 10 min/semaine)
- les retrouvailles : se parler sereinement à la fin de chaque journée de travail (20 min*5j : 1h40/semaine)
- les manifestations d’affection : par le contact physique et le pardon des irritations mineures avant de s’endormir (5min/j*7j : 35 min/semaine)
- le rendez-vous hebdomadaire : un moment partagé, de qualité, pour mettre à jour la carte du tendre et se tourner l’un vers l’autre (2h/semaine)
Une fois par semaine, se poser les questions de dépollution conjugale, et en parler mais pas avant de dormir ! Ces questions investiguent l’état individuel et l’état de la relation (interactions, émotions, ressentis).
Enfin, soyez indulgents avec vous-mêmes, en abandonnant l’auto-critique et le jugement, et en vous acceptant avec vos qualités et vos défauts, en pratiquant la gratitude.
A la lueur de cet article :
- dans quel contexte -pro/perso- avez-vous des résonances ?
- que faites vous déjà ?
- que pourriez-vous faire plus ?
- qu’allez vous arrêter de faire ?
- comment allez-vous mettre en oeuvre ce que vous avez découvert de nouveau ?
Sources : John M Gottman & Nan Silver : The seven principles for making a marriage work, a practical guide from the country’s foremost relationship expertCarlo Trippi, La thérapie Imago : Une nouvelle approche de l’aventure du couple