Maintenant, quels sont les traits de personnalité qui stabilisent, ou au contraire font exploser le couple ? Et qu’advient-il à la quarantaine, zone particulière, encore appelée crise de milieu de vie, période charnière, lors de laquelle la personne accède de façon plus authentique et plus fine à qui elle est, intrinsèquement ?
Sans glamour à nouveau, l’objectif premier de tout être vivant est de se maintenir en vie, dans le meilleur état possible. C’est ainsi que, se mettent en place des stratégies de sélection de patrimoine génétique, de comportement privilégié en terme de mode de vie, d’environnement socioculturel, de nourriture, d’économie d’énergie, de réaction face à un prédateur, pour préserver son intégrité corporelle. On parle d’homéostasie, soient tous les processus qui permettent à l’individu d’être au plus proche d’un comportement écologique : vivre le mieux possible, en consommant le moins d’énergie.
Or les comportements sexuels constituent une prise de risque considérable et une grosse consommation d’énergie : la parade sexuelle est visible et bruyante, tout à l’opposé de la discrétion stratégique pour préserver un maximum d’intégrité corporelle. Il s’agit donc d’une aberration : un gaspillage d’énergie doublé d’une prise de risque ! Son unique objectif est la fécondité. Se mettent alors en place des mécanismes physiologiques pour tromper l’individu et l’amener à cette prise de risques. Il s’agit notamment du mécanisme de récompense et punition qui, lui, est anti-homéostasique. Chez l’humain, il est détourné vers la recherche du plaisir, notamment du plaisir sexuel, déconnecté de l’objectif de fécondité.
Dans le règne animal, certains mâles offrent de la nourriture pour immobiliser la femelle lors de l’acte sexuel. Anti glamour, 3è ! Côté humain, la première rencontre est bien souvent autour d’un verre ou d’un repas.
Les comportements de séduction humains sont élaborés et élégants… ou pas ! Ces comportements comprennent danse, couleurs, chant, parfum… Ils sont pour partie innés, pour partie appris. Les comportements appris évoluent plus vite que ceux qui sont innés et s’adaptent, ce qui permet une diversification de l’espèce. Ils s’appuient également sur les neurones miroirs, qui permettent d’anticiper les mouvements du partenaire et de se synchroniser. Cela donne alors la danse de séduction, synchrone et coordonnée. Kiff assuré !!! Ecologique, sans substances toxiques, répétable. Mieux que la dope…
Ces apprentissages se font lors de l’enfance et plus particulièrement à l’adolescence, pour tout ce qui concerne les codes des rites amoureux, qui sont aussi, pour partie culturels, comme en témoignent dernièrement les prises de positions afférentes à #metoo et #balancetonporc. Alors, émerge le mâle dominant, dans la compétition pour obtenir les meilleurs femelles. Il peut ainsi basculer de la séduction à la flatterie pour garder la main sur l’environnement -les femelles convoitées en l’occurence-, tout en étant perçu comme socialement agréable par le groupe. Et là, la gouvernance cérébrale active est autre : on passe d’une gouvernance émotionnelle (nourrie de valeurs, d’apprentissages, d’expériences et d’émotions) à une gouvernance grégaire (nourrie du rapport de force).
Chez l’humain, les caractéristiques qui le distingue des autres mammifères sont : l’altérité, les émotions, la conscience, les fantasmes, la capacité de communiquer par la parole. Et cela complexifie éminemment les rites amoureux.
Les chercheurs ont montré que les lieux romantiques augmentent considérablement l’attraction. Pourquoi ? Le niveau d’émotion déclenché par les lieux où les activités, est perçu comme en lien avec l’attractivité de l’autre. Par exemple, convier sa belle au dernier étage de la tour Eiffel où la peur du vide peut être déclenchée, va augmenter le désir. Le grand huit ou la moto sont également de fabuleux terrains émotionnels ! Il s’agit donc d’un biais de confusion des sources émotionnelles. « Je ressens une grosse émotion » devient égal à « je suis attiré·e ». Ce biais a été prouvé dans différentes expériences où la dimension de l’activation physiologique -déclenchée par exemple par une activité physique ou une activité générant des émotions fortes-, exacerbe le désir et l’attractivité. D’autres filtres sont, par exemple, les jugements de valeur ou les jugements esthétiques.
Côté hommes, le jugement est très portée sur l’apparence des femmes, l’apparence physique, la beauté, la santé, la jeunesse, le patrimoine génétique -estimé depuis la nuit des temps par le ratio largeur de la taille sur largeur des hanches, promesse d’une bonne capacité reproductive-. Un homme cherche donc instinctivement une reproductrice. Les codes vestimentaires de la séduction, la suggestion de zones corporelles partiellement révélées par des tissus semi-transparents, le choix des couleurs -quelle est LA couleur de la séduction en occident ?- font écho à cette construction culturelle.
Côté femmes, le jugement porte plutôt sur le statut social de l’homme à travers ses revenus, son niveau d’études, sa profession, son attachement aux enfants, sa taille, et son patrimoine génétique. En somme, une femme cherche instinctivement un reproducteur, protecteur de sa progéniture.
Bon, je vous avais prévenus que le glamour n’était pas forcément au rendez-vous !
Un filtre essentiel dans la constitution durable d’un couple est le type d’attachement individuel, lié au modèle parental, qui a une forte empreinte sur l’individu. Les différents types d’attachement sont : secure, insecure–anxieux–ambivalent, insecure–évitant, craintif.
Avec un attachement secure, le premier rapport sexuel a lieu plus âgé, la personne est plus fidèle, plus satisfaite de ses relations sexuelles, plus facilement amoureuse, se juge plus belle. Pour une femme, l’attachement secure d’un homme est déterminant. Mais l’attachement insecure-évitant est plus fréquent chez les hommes.
Les autres filtres qui interviennent dans la rencontre amoureuse sont également des signaux subtils tels que les attitudes et les comportements.
On observe que c’est la femme qui mène le bal, qui autorise ou non la relation. Pour cela, elle dispose de différents atouts : le sourire, le regard, la position de la tête, les mouvements de tête, notamment les manipulations et mouvements de cheveux, le dévoilement du cou, et… la conversation !
Les atouts de séduction d’un homme sont : se faire remarquer, occuper l’espace, avoir des gestes amples, regarder dans les yeux, se caresser joues, menton, torse ou épaules, ainsi qu’effleurer sa partenaire. Tous ces signes appartiennent à ceux de la dominance grégaire ce qui rassure la partenaire quant à la capacité de l’individu de protéger sa progéniture.
Cela dit, et pour éviter la caricature, tous ces éléments augmentent, sans aucune garantie, la probabilité de succès. Le jeu de l’amour étant, heureusement, bien plus subtile !
Alors finalement, comment séduire ?
Séduire, c’est tromper le cerveau de l’autre ! C’est créer une erreur d’attribution : faire prendre une émotion forte pour une attirance et un désir fort. C’est flatter, par une stratégie du caméléon : imiter l’autre, se mettre sur la même longueur d’ondes, adopter des comportements verbaux et non verbaux, des gestes, des postures, des mimiques qui permettent de se synchroniser. C’est stimuler le système émotionnel de l’autre, notamment par le compliment, par un feedback sur le plaisir généré.
Les chercheurs ont démontré l’ »effet guitare » pour les hommes : poser avec une guitare augmente l’attrait auprès des femmes. Et cet attrait est d’autant plus fort que l’instrument est plus prestigieux, comme un violon, une contrebasse ou un hautbois ! Cela dit, l’effet n’est pas du tout symétrique pour une femme, qui n’est pas perçue comme plus attirance avec une guitare que sans.La voix est également un média de séduction exceptionnel. Les femmes aiment les hommes avec une voix basse, signe extérieur de masculinité, les hommes, eux, aiment les femmes avec une voix aiguë, indice de la concentration en oestrogènes, donc de la fertilité. En tant que soprano coloratur, je peux confirmer 😉 !!!
Je cite ici Iva Barthélémy : « Instrument parfait, organe de la séduction, usant d’un éventail infini de couleurs, capable de transmettre les émotions les plus profondes. Mystérieuse alchimie qui donne à chacun de nous un timbre unique, néanmoins hérité de tous nos ancêtres. Luxe inouï, matière vivante, incomparable, irremplaçable. L’être humain est parfaitement conscient que la voix, parce qu’elle véhicule la parole et le chant, constitue le plus riche, le plus parfait, le plus subtile des moyens de communication. Travailler sa voix, c’est donc décider de parfaire la relation qu’on établit avec les autres. Trouver sa voix, qu’elle soit légère ou ample, grave ou aiguë, en tous cas à nulle autre pareille, c’est découvrir en soi des sources vives, trouver son identité profonde, facteur d’équilibre et d’authenticité qui apporte la confiance en soi. » La confiance en soi étant très connectée à la capacité de séduction, la boucle est bouclée !
Les traits du visage sont également très importants. Les femmes aiment les hommes avec un menton large, signe de masculinité, qui se développe à l’adolescence. Les hommes aiment les femmes avec un visage symétrique, et il se trouve qu’à l’ovulation, la symétrie du visage augmente légèrement. Enfin, hommes et femmes aiment les ressemblances, ce que l’on retrouve dans le dicton : « qui se ressemble s’assemble ».
And last, but not least, la sapiosexualité est la faculté à séduire par son intelligence, son charisme, son instruction, bref, son cerveau.
Et quand la séduction est verrouillée ?
Pour certaines personnes, les capacités de séduction sont freinées, voire verrouillées comportementalement. Il s’agit alors d’analyser les raisons de ces freins, et de les lever par une démarche cognitive puis comportementale, en harmonie avec les dynamiques intrinsèques de la personne : introvertie, extravertie, sociale ou individuelle… Les thérapies brèves et coaching comportementaux sont des bonnes approches pour cela. Certaines facettes de personnalités sont tournées vers l’intimité avec l’autre, d’autres moins. On peut par exemple mentionner le plaisir spontané à séduire par le bien-être, l’amitié durable, l’intégration dans une équipe ; séduire pour créer de l’harmonie et fédérer un collectif ; séduire pour aller plus loin, plus fort ; séduire pour ancrer le plaisir du moment présent capté par les cinq sens…
À l’heure du digital, quelles évolutions de Cupidon 2.0 ?
Que propose la séduction en ligne, marché et pratique florissants, quelles sont les évolutions ?
Notre société est passée d’un choix familial d’alliance rationnelle à un choix individuel fondé sur l’amour -enfin vu ce qui est écrit ci-avant ça questionne ;-)-. Cela dit, aujourd’hui, l’individu dispose du contrôle -voire du devoir- individuel de sa destinée amoureuse. Alors que, dans les années 90, les unions via les réseaux sociaux étaient quasiment nulles, aujourd’hui, 10 à 20 % des personnes déclarent s’être liées via les réseaux sociaux.
Cela dit, les biais de ces rencontres en ligne sont importants. Ces biais sont l’évaluation du profil par les qualités annoncées, l’évaluation par comparaison de différents profils, ou encore la difficulté à prendre une bonne décision dans un choix très vaste. Par ailleurs, les difficultés rencontrées sont les suivantes : le temps de présélection qui peut être considérable, le fait d’avoir trop de choix qui inhibe les capacités à prendre les bonnes décisions et qui de plus, augmente l’indécision et diminue la satisfaction, les circonstances des rencontres, l’absence de nuance sur les profils en ligne. Tout cela crée un écart, parfois énorme, entre les attentes et la réalité.
Alors comment discerner ?
Se rencontrer IRL ! In Real Life.
Ce discernement passe notamment par le fait de favoriser l’état d’esprit d’engagement c’est-à-dire creuser l’option, approfondir, versus l’état d’esprit d’appréciation c’est-à-dire la comparaison. Il faut également lâcher l’attente de perfection, du profil idéal, de la personne la plus désirable. En outre, une personne majoritairement jugée plus désirable que les autres, a un profil très convoité, est donc peu disponible, ce qui crée de la frustration des deux côtés.
Au-delà des critères de mensurations, de revenus, de statut social, il est particulièrement intéressant de creuser les critères de capacité à communiquer par écrit, à rentrer en relation, à avoir de l’humour, et dans un deuxième temps, la faculté à résoudre des conflits, à réagir aux imprévus, car c’est bien cela le terreau d’une relation durable.
Au-delà de la première découverte en ligne, il est utile de passer à une rencontre « en vrai » sans trop tarder, car la durée de l’interaction virtuelle augmente le risque de déception. En gros, plus on sextote, plus la déception est grande !!!
Dans une rencontre réelle, le déclic vers l’intimité est un savant mélange d’expérience, de biochimie (les odeurs sont particulièrement importantes, même si cela est culturellement plutôt mis sous le tapis) et d’instinct. Enfin n’oubliez pas de vous donner du temps.
Par ailleurs, une expérience a montré qu’évaluer sur photos l’efficacité d’un PDG est pertinente, par contre l’évaluation sur photos d’une compatibilité pour un couple ne l’est absolument pas ! Les algorithmes des sites de rencontres pleins de promesses, sont donc encore très très loin du compte !
Que faire, pour une relation qui dure ?
L’origine majeure de séparation est l’insatisfaction de la femme. C’est elle qui, à 80 %, prend la décision de la séparation. Alors même qu’en terme de prise de risque, c’est pour elle que la note est la plus salée, du fait des écarts de revenus, et de l’implication par rapport aux enfants s’il y en a. Une autre origine des séparations et celle de l’évolution du couple qui devient dissonante par rapport aux évolutions individuelles. On a commencé sur une voie identique et au fil du temps les voies se séparent et se distancent. Là, c’est l’histoire de la poule de l’œuf, on sait pas, à l’heure actuelle, lequel entraine l’autre.
Pour durer dans le temps, il est essentiel tout d’abord de se connaître, connaître son style d’attachement et si besoin, se faire accompagner en développement personnel notamment. Ensuite, se focaliser sur son propre état d’esprit -plutôt que celui de l’autre-, développer son empathie, prendre du recul, gérer son stress, apprendre à gérer la complexité. Ne pas oublier de cultiver sa vie sociale individuelle. Et, dans l’interaction avec l’autre, développer sa capacité à exprimer ses émotions et ses besoins, sa capacité à respecter les besoins de l’autre.Les atouts de deux personnalités compatibles sont : la proximité des deux personnalités en terme de conscienciosité -c’est à dire l’organisation, la fiabilité, la ponctualité-, une agréabilité proche -c’est à dire la confiance que l’on a dans les autres-, une ouverture à la nouveauté -c’est à dire la curiosité face à la nouveauté et l’imprévu-. Les freins sont constitués par des écarts importants de ces paramètres des Big Fives. Comme par exemple entre une personne en recherche d’harmonie sociale et une autre très individualiste. Pour ce qui est de l’introversion et de l’extraversion c’est une histoire de dosage, bref le bon cocktail est un subtile dosage de similitudes et de complémentarités.
Après cet article très glamour… relativisons : il n’y a pas de loi déterministe ! N’oubliez pas que vous êtes doté·e d’intelligence émotionnelle, et d’un cerveau ;-).Alors à vous de jouer, dans la subtilité, et bonne Saint Valentin !
Sources :
- Cerveau & Psycho n°64, dossier La mécanique de la séduction
- Cerveau & Psycho n°12, dossier La séduction en question
- Nicolas Guéguen Séduire avec son corps
- Le Monde spécial St Valentin Dimanche 11 février 2018
- Yva Barthélémy La Voix libérée
- Maya Mazaurette : Les hommes féministes sont-ils de meilleurs partenaires sexuels ?
- Françoise Dorin : En avant toutes !
- Anne-Laure Ganac, Psychologies magasine : Internet permet-il de vraies histoires ?
- Gaëlle Dupont, Le Monde : Les histoires d’amour ne commencent pas sur Internet en général